dimanche 14 juin 2009

Parcelles du roman aléatoire

La sphère urbaine de Londres ressemblait à un bouquet de fleurs déposé sur le bord d'un balcon, perdue dans le brouillard, en partie camouflée par la pollution matinale. Emilie aimait cette ville et sa mobilité humaine, cette masse d'êtres inconnus et toujours renouvelée, comme le phénix jouant son tour de passe entre les détenteurs de son fardeau-pouvoir. A ses yeux, les visages apparaissaient fugaces, familiers un instant, puis finalement oubliés. On meurt à Londres comme à New York dans un tel degré d'indifférence que la ville n'est plus une, mais fragmentée, tiraillée entre ses millions de microcosmes individuels et étrangers les uns des autres. Les réseaux sociaux prennent une telle ampleur que les gens sont triés dans les favoris, collègues de fac, collègues de boulot, plans baby-sitting et que sais-je encore. Nous sommes devenus des clônes au sein d'une fourmillère sans reine. Le miel a perdu la saveur du travail collectif et la ville comme réconstitution de la Tour de Babel a échoué, se projettant têtue vers son but, en grande obstinée de rebonds et de surprises inattendues et improblables, dans l'idée de réunir les hommes. Au contraire de la réunion, les gens ne se connaissaient pas, une langue commune disponible mais refusée, appeurée du contact avec cet autre si proche et détestable.

Si les métros pouvaient montrer que les hauteurs ont échoué et que nous vivons repliés comme des rats dans les égouts de nos villes, passant de la verticalité à l'horizontalité, nous prendrions peur de réaliser que plus rien dans les cieux ne nous intriguent et que ce sont maintenant les tréfonds qui nous intéressent.

Et si c'était la dernière fois que je la voyais? Et si même cette ultime entrevue n'avait jamais lieu?
Perdue dans mes espoirs je resterai dans mes songes au sein desquels je suis à jamais dans ses bras.
... est le seul groupe qui me fasse autant d'effet que l'image d'elle lorsque je me l'imagine. A jamais lointain mon distant idéal, ma part d'ombre et de tremblements que je n'arrive pas à contenir.
Si je pouvais lui dire combien elle a participé à la personne que je suis aujourd'hui, combien elle m'a davantage apporté que quiconque au cours de ma vie.
Figure lointaine, mystérieuse et cassante, inaccessible et cruelle, je me prosterne devant l'étendue de tes dégâts. Des cicatrices à jamais refermées et qui marquent combien je t'appartiens entière et complète. Toi-seule as été le mentor, toi-seule m'a guidé et éveillé à la vie. Ton influence est devenue un fardeau dont il me faut me débarrasser, pour vivre au-delà et sans toi. Là où la parole a ignoblement échoué. Pour toujours, oublier la substance amère des sombres regrets.

Et si maintenant je t'effaçais, brisant les liens étroits entre nous, peut-être mangerais-je mon propre pain sans culpabiliser d'avoir mangé le tien, et qu'alors enfin je puisse avoir ma propre vie, individuelle et contre toi. Dans l'oubli.

Le métro m'effraie, me révèle les traits de la glace qui fige les hommes dans un silence statique. Les bouches restent closes, les regards tristes et les portes s'ouvrent puis se ferment avec la même monotonie que le trajet exécuté mécaniquement par le wagon. Lorsque tu marches ne sens-tu pas la liberté te caresser les joues, le vent contre ton visage tandis que tu marches dans les rues, un itinéraire différent à chaque sortie. Entends, un itinéraire différent pour chaque jour et le rendez-vous pointé du doigt aura enfin donné sa valeur au mot de voyage. Le trajet que tu parcours ne vaut rien dans cet immense carte souterraine où la foule s'amoncelle comme une seule et même bile noire. Alors, je continue à marcher.

La lune plonge sa couleur au fond des rétines souffrantes d' Alix. Embuée dans les effluves aux courants rapides de sa nuit d' orgies multiples. L' amer goût du vomi à peine éjecté la fait flotter dans le dépouillement de l' hygiène, et les dents couvertes d'une attache patteuse donne à sa langue enfumée une douleur de regret. La lumière brûlante et lointaine des lampadaires la perdent dans le fond fermé de la nuit d'avant ses pas. Sa gorge profonde pleure le viol alarmant d'une avalade des plus violentes, alors que les bleus de ses poignets se lancent à la fraîcheur de la nuit rongée, elle se tord en avant. Âme désordonnée de peurs soudaines, les buissons reflétant des ombres inquiétantes sur les mignons petits murés blancs du quartier des veinards. Les porte- monnaies cuivrés à la sortie du téléphone et à la chaleur magnétique de la télévision, la route redevient sauvage. L'estomac prend l'identité d'un meurtrier et d'un bourreau divin voilé de pudeur, elle éjecte de nouveau l'extase de sa nuit passée. Un chat beige traverse la route en roulant de ses quatre pattes volatiles, Alix n'y voit plus.


Parce qu'aléatoire je n'en viendrai jamais à bout.


Et maintenant retour à la musique! Je viens de poster l'interview de Krank! sur Coanthem! Bonne lecture!

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