vendredi 10 août 2007

J'étais partie pour autre chose mais...

Du haut de sa cinquantaine bien tassée, Madame Cassia aime regarder le monde. Nous autres, captifs de nos voitures, alors qu'en pleine rêverie nous observons les nuages, pouvons l'apercevoir parfois. Immobile, on l'appelle l'observatrice. Combien de fois sommes nous passés devant elle et sa maison violine sans les voir.
A cette heure, la dame Cassia enfile ses chausses de pantouflarde et d'un pas fervent, marche vers l'entrée de sa demeure. Préalablement positionnée, la chaise au tissu jaune pisse l'attend à l'extérieur devant l'entre de sa coquille. Ses vieux os, effrayés par l'expédition et par la souplesse qu'exige l'accès du malheureux dos au poste d'observation, grincent un peu. L'étape achevée, elle s'assoit plus profondément dans la chaise avec lenteur. Dans cette chaise méticuleusement placée devant sa porte d'entrée, grande ouverte. De là, de cette sublime création tout en chêne, elle a vue sur les environs et c'est ça qui la branche Madame Cassia. Chaque jour, la dame obéit donc à son habitude et regarde passer les voitures. N'ayant d'autres distractions que celle de regarder le passage des bolides polluants, elle a appris à tirer de celle-ci un plaisir des plus simples. La tourte aux champignons sur laquelle se retrournaient autrefois ses narines affamées, n'ont désormais plus goût que pour le dioxyde de carbone et les vrombissements qui le décore. Lorsqu'elle aperçoit un nouveau modèle de voiture, ses orteils s'émoustillent d'une même vigueur et s'agitent sur la piste de danse de sa chair flétrie. La dame étire alors un sourire de carnassier et salive autant qu'un loup à la vue d'un randonneur. Les pieds dans le vent, comme sur une plage où les p'tits people d'une autre trempe se farcissent au soleil, Madame Cassia bronze ses pieds blanc. Aux UV de dioxyde, cela va sans dire, car Madame ne s'expose pas au soleil, non. Elle porte fièrement le béret la protégeant du vil soleil. Ses narines, elles, dégustent à tout poil les pots d'échappement à roulettes.
Néanmoins, sans la moindre rancoeur écologique, ce spectacle lui chante de l'amour à l'humeur, et elle affiche un sourire béat. Madame vis, Madame souris. Une morale au ras de l' assiette, une morale simple en somme et dont les composants, mots trop simples, n' intéresse personne. Humains. Hou hou mains, levez-vous! Alors tous petons en l' air, adossés à la seconde chaise posée devant elle, Madame Cassia regarde les gens filer. Filer de l' étroit passage qui traverse son village à elle, son lieu dit de personne. D'elle seule, de son rat blanc et de sa bouche ankylosée de solitude. Madame Cassia savoure la route qui l' attache encore à la civilisation humaine. Elle ne tient que par ce macadam puant de trafic. Si cette route n'était pas fréquentée par les hommes, elle sentirait bon, cette route. Question nature, oui Madame, ça sentirait meilleur, mais qui se rappellerait alors de la p'tite dame. Elle serait calme et paisible, la route. Elle transformerait Madame Cassia en affreux et horrible bonhomme des neiges. Alors, seule, elle serait la proie d'une étrange bestiole. Monstre de Frankenstein rejeté par MessieursDames Monde, rencontreraitcette Madame Gorille des brumes montargnardes et qui sait... Mais de cela nous nous saurons jamais rien. Ou imaginons... la maison de Madame Cassia serait un véritable petit paradis, dont les herbes coloniseraient peu à peu le chemin humain. Monstre de Professeur Dingo et Madame longs poils blanc vivraient heureux, oui je le veux! Les broussailles recouvreraient la preuve de leur passage, et seule comme Eve aux prémisses du monde, elle serait heureuse sans savoir pourquoi. Bien sûr Madame Lavabo s'ennuierait et Madame commettrait l'erreur de demander trop. Monstre de Frankenstein ne voudrait pas aller chez le diététicien, et Madame Cassia déçue, s' emmerderait. Le vice attendu viendrait tardivement et le crime la charmerait gentiment. Progressive est l'évolution vers l'au delà. Sur son transat jaune pisse, elle pensera avec une exaltation sans nom, au façon de faire cuire la tronche de ce marmot pas beau. Finalement elle se jetterait sur le vice, la route de l'ailleurs. Ainsi appelait-on la tentation dans l'Ancien Temps, paraît-il... Elle se jetterait dessus avec avidité, m'a t-on dit. Comme Eve s' était jetée sur la promesse faite par le serpent. La mort de l'Ancien monde, et la naissance du nouveau ou du Néant.
La route, sinueuse et viciée du serpent, offrant le changement attendu, appelle alors cette mignonne et gentille Madame Cassia. La malheureuse, aveugle d'espoir, comme nous le sommes tous, se jettera avidement dessus, avant que celui-ci ne la tue. Ressusciteras-tu Madame Cassia? Ou le Saint et promis Paradis te filera t-il entre les doigts comme la route vers une autoroute à laquelle tu n' as pas droit. Loin et ailleurs de tout ce qui t' es connu.
Dix minutes plus tard, Madame Cassia se fait renverser. Ce véhicule bourré de mensonges et de désillusions dont l'homme a gavé le large coffre, a emprunté le serpent. Le serpent fuit encore et les hommes, toujours plus nombreux l'emprunteront éternellement, aplatissant toujours plus, la vieille peau de Madame Cassia.

Serpent ou la Route du Paradis.

2 commentaires:

n a dit…

Parfois très proches,parfois intimes,parfois incompréhensibles(moi j'ai pas pigé ce texte je pense)...mais toujous amis.

Ah la la,et les jours ici passent trop vite,il faut que je te réponde,il me faut faire beaucoup,et demain(heureusement) est toujours trop proche.

coconut a dit…

Iah iah pardonne mon inconscient, ce p'tit gaillard est un compliqué. Le problème reste que je sais exactement de quoi je parle, mais c'est hard de le rendre lucide aux yeux des autres. Evidemment
Suite demain...tout sourire dehors